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Efficacité énergétique

Prix du pétrole, du gaz et de l’électricité : bienvenue dans les montagnes russes !

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D’abord le pétrole, puis le gaz naturel et l’électricité… La hausse du prix des énergies est au premier rang de l’attention médiatique mais aussi des préoccupations du gouvernement, qui redoute un mouvement social rappelant le mauvais souvenir des « Gilets jaunes ».

Pour les experts, cette tendance est conjoncturelle : à la chute des prix de l’énergie du printemps 2020 succède un rebond brutal, dû à la reprise rapide de l’économie après la quatrième vague de Covid.

Mais cette volatilité n’a rien d’une nouveauté : côté hydrocarbures, l’économie mondiale se souvient des bouleversements des chocs et contre-chocs pétroliers depuis le début des années 1970. Côté électricité, l’Europe a été marquée par les conséquences des réformes de libéralisation du secteur dans les années 1980.

Enfin, s’annonce aujourd’hui l’impact sur les prix de la nécessaire décarbonation des systèmes énergétiques dans le contexte de la lutte contre les dérèglements climatiques.

Décryptons ces différents facteurs d’instabilité pour mieux comprendre la situation actuelle.

Facteur d’instabilité n°1 : la conjoncture et les marchés des hydrocarbures

Parmi les fluctuations les plus sensibles pour les consommateurs (car très visibles à la pompe), les hydrocarbures sont instables du fait de leur dépendance au cours des marchés internationaux ; ils sont ainsi difficiles à contrôler.

Ces fluctuations peuvent vite devenir la bête noire des gouvernements ; c’est le cas aujourd’hui du gaz, pour lequel la Russie semble profiter de la situation en mettant la pression sur le gazoduc Nordstream 2 dont la mise en service a été retardée.

Avant le pic de 2008, qui marquait pour certains le passage à « l’après-pétrole », le début des années 2000 avait vu une importante augmentation du prix du pétrole, comme en témoigne le graphique ci-dessous.

Variation du prix des énergies.
Auteurs, données Index Mundi, CC BY-NC-ND

Pour atténuer cette flambée des prix des carburants à la pompe, le gouvernement Jospin avait eu recours en 2000 et 2002 à un mécanisme dit de « taxe flottante » (« la TIPP flottante »), s’appuyant sur un ajustement de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques en fonction des variations du cours du pétrole brut.

En 2010, la TIPP avait fait place à la TICPE dont la composante carbone avait été retoquée par le Conseil constitutionnel ; ce n’est qu’en 2014 que fut introduite une taxe carbone dans la fiscalité énergétique, taxe carbone dont l’augmentation programmée en 2018 a déclenché la crise des « Gilets jaunes ».

Facteur d’instabilité n° 2 : les marchés de l’électricité

Pour l’électricité, la constitution du marché unique de l’énergie en Europe (idée « fondatrice » de Jacques Delors lorsqu’il était président de la Commission) a été menée corrélativement à l’introduction de la concurrence dans les industries électriques.

Elle a profondément modifié les conditions de concurrence et de fixation des prix : nouveaux producteurs et distributeurs, marchés de gros, libre-choix du fournisseur par le consommateur…

Cette concurrence était censée faire baisser les prix. Dans la plupart des cas, cela se produira jusqu’au début des années 2000.

Seule la France a résisté en conservant des tarifs régulés de vente avec, pour contre partie vis-à-vis de Bruxelles, l’accès de la concurrence à une partie de la production nucléaire à travers le mécanisme de l’accès régulé au nucléaire historique, l’ARENH.

Comme le montre le graphique ci-dessous, l’examen sur quarante ans des prix de l’électricité (en monnaie constante) pour les ménages en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, confirme que les baisses ont cessé au début des années 2000. Il montre par ailleurs que le prix actuel de l’électricité en France reste inférieur à celui de 1980 et aussi inférieur de 38 % à celui de l’Allemagne.

Évolution des prix de l’électricité en France, Allemagne et Royaume-Uni.
Auteurs, données Enerdata (gauche)/Statista (droite)

Facteur d’instabilité n° 3 : l’impact des objectifs bas carbone à court et moyen terme

Aujourd’hui, c’est aussi en partie à cause du remplacement du charbon par le gaz naturel – une énergie dite de « transition », car carbonée mais moins que le charbon – qu’opère actuellement la Chine dans ses centrales électriques que le prix du gaz augmente au niveau mondial.

La transition énergétique « bas carbone » impose le recours à des solutions énergétiques plus coûteuses en moyenne que le recours aux fossiles, ce qui suppose que le prix de ceux-ci soit augmenté.

Par ailleurs, le déploiement des énergies renouvelables variables entraîne des périodes de surabondance, au cours desquelles le prix peut même devenir négatif, et des périodes de déficit de soleil et de vent, au cours desquelles ils peuvent atteindre des sommets ; c’est actuellement le cas en Europe de l’Est avec l’éolien.

Sans solution d’ajustement massive, les prix seront donc amenés à moyen terme à être extrêmement volatiles.

Facteur d’instabilité n° 4 : l’impact des objectifs bas carbone à long terme

Mais si la transition se poursuit et réussit, il faut s’attendre à ce que :

  • les coûts des solutions décarbonées diminuent ;

  • la dépendance des consommateurs aux prix des marchés internationaux soit moindre ;

  • la demande pour les énergies fossiles importées se tarisse au profit des sources nationales décarbonées ;

  • les prix internationaux subissent une forte pression à la baisse dans les scénarios « soutenables » à forte ambition climatique, comme en témoigne le tableau ci-dessous.


Agence internationale de l’énergie

Cela, à moins que le sous-investissement dans la production, pour le gaz naturel comme pour le pétrole, ne se traduise par une succession de chocs et contre-chocs, avec une vulnérabilité des consommateurs qui demeurera grande dans « l’entre-deux » de la transition.

D’ailleurs, la flambée actuelle des prix du gaz naturel s’explique aussi par un sous-investissement prolongé dans la production : les investisseurs, qui ont subi de faibles rendements ces dernières années, ont mis la pression sur les producteurs qui ont alors été amenés à réduire leurs dépenses d’investissement…

À la recherche des bonnes options

La hausse du prix pour les consommateurs des énergies fossiles ne résoudra pas, à elle seule, le problème de la décarbonation. C’est cependant une nécessité et la question de l’introduction, sous une forme ou sous une autre, d’un « signal prix » adapté ne pourra être évitée.

Une interrogation centrale émerge alors : comment concilier la hausse nécessaire du prix des énergies fossiles et la protection des ménages les plus défavorisés ? Comme le rappelaient récemment les économistes Christian Gollier et Jean Tirole :

« L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre doit avoir le moindre impact social. »

L’Europe s’oriente, dans son dernier cycle de politique climat (le « Fit for 55 »), vers la création d’un deuxième marché des quotas d’émission pour le bâtiment et les transports.

Mais personne ne sait aujourd’hui comment ce nouveau dispositif impactera les prix et la fiscalité carbone là où elle existe, et avec quels impacts pour le consommateur final.

Faut-il alors assurer un mécanisme de stabilisation ?

Pour le gouvernement, l’ajustement par les taxes dans le « bouclier tarifaire » représentera un manque à gagner aggravant le déficit budgétaire. Il ne sera en outre pas ciblé sur les ménages les plus en difficulté.

L’augmentation du chèque énergie, annoncée la semaine dernière, répond à la question de la protection des ménages les plus défavorisés. Mais face à l’augmentation du nombre des ménages en précarité énergétique, et en fonction de la rigueur de l’hiver à venir, ces mesures seront-elles suffisantes ?

Certains proposent de « s’affranchir de la dictature des marchés ». Plutôt que de subir leur volatilité, l’État pourrait fixer lui-même la trajectoire des prix des énergies carbonées, indépendamment des cours mondiaux : soit bloquer les prix pour défendre le pouvoir d’achat et diviser par deux la facture énergétique, comme le propose le Secrétaire national du PCF, Fabien Roussel ; soit plutôt programmer la hausse, pour assurer que les bonnes décisions d’investissement seront prises au bon moment.

Ainsi, une augmentation annuelle programmée sur trente ans de 2 centimes d’euro par litre et de 2 euros par mégawatt-heure de gaz serait suffisante, selon l’expert de l’énergie Henri Prévot : cela représenterait en 2050 un supplément de 60 c€/l et 60 €/MWh.

Cette dernière idée est a priori séduisante, mais comment alors s’assurer de l’équilibre économique et financier des entreprises et de leur capacité à évoluer dans un monde d’incertitudes et de changements systémiques ?

Alors qu’aucune solution miracle ne s’impose, il faudra à l’évidence un « mix d’instruments » qui devra être accompagné de normes et d’investissements massifs dans la décarbonation et l’efficacité énergétique. Nul doute que ces questions seront amplement débattues dans les débats de la prochaine campagne présidentielle.

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Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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