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En 2016, un sondage réalisé par Ipsos indiquait que près de 60 % des personnes interrogées jugeaient insuffisante l’autonomie des voitures électriques ; et 30 % d’entre eux souhaitaient voir cette autonomie atteindre les 500 km.
Face à une telle demande, les constructeurs redoublent d’efforts pour augmenter les capacités d’autonomie de leurs véhicules.
La voiture électrique représente aujourd’hui un maillon essentiel d’une mobilité plus respectueuse de l’environnement, même si sa part dans les ventes de véhicules neufs en France reste encore modeste. Elle offre de nombreux avantages, tout particulièrement en zone urbaine : très faibles émissions pendant le roulage, absence de bruit à faible vitesse, récupération de l’énergie de freinage.
Mais son bilan environnemental global doit cependant être analysé avec attention. Il faut ainsi regarder de près les émissions de gaz à effet de serre relatifs à la production électrique et, plus globalement, l’ensemble des impacts environnementaux de cette mobilité.
Les analyses de cycle de vie (ACV) – qui portent sur l’intégralité de la vie d’un produit depuis l’extraction des matières premières jusqu’au recyclage en fin de vie – permettent de telles évaluations.
Poids de la batterie et temps de recharge
Parmi les différents constituants d’un véhicule électrique, c’est la batterie qui soulève le plus de questions relativement au bilan environnemental.
Tout d’abord, sa densité d’énergie est faible – il faut plus de 60 kg de batterie lithium pour remplacer un litre d’essence, ce qui limite l’autonomie des véhicules. D’autre part, la durée de recharge est trop longue. Enfin, son prix est élevé et sa durée de vie difficilement prévisible. Autant de limites qui expliquent les nombreux efforts de recherche réalisés actuellement pour améliorer les performances des batteries des véhicules électriques.
Si tout progrès en matière de prix et de durée de vie peut être salué sans ambiguïté – encore qu’il convienne de vérifier que ce ne soit pas au détriment de l’impact environnemental ou des conditions de travail dans la chaîne de production –, la situation s’avère toutefois plus complexe pour la course à l’autonomie et la rapidité de la recharge.
Les voitures électriques présentent en effet aujourd’hui une autonomie largement supérieure aux besoins quotidiens de la majorité des automobilistes (80 % des déplacements font moins de 50 km). Mais une surenchère dans la recherche de l’autonomie peut conduire à embarquer un poids important de batterie (plusieurs centaines de kilos) le plus souvent « inutilisé ». Ceci va clairement à l’encontre de l’efficacité énergétique.
Si des progrès concernant la densité d’énergie des batteries leur permettent sans aucun doute d’être de plus en plus légères, il est cependant difficile de prédire l’échéance et la marge de gain de ces futures avancées.
Une autonomie étendue, même avec une batterie allégée, soulève toujours la question du temps de recharge. Il n’est certainement guère utile d’avoir une autonomie de plus 500 km si l’on doit attendre plus de 24 heures pour recharger complètement sa batterie sur une prise « domestique » de puissance 3 kW.
Pour répondre à cette situation, on voit se développer des stations de recharge rapide, voire ultra-rapide, de très forte puissance. Dans ce contexte, le Conseil européen de l’innovation vient de lancer en février 2018 une action « Horizon Prize » sur des batteries innovantes pour véhicules électriques.
Il y est précisé que « les prototypes réalisés devront être capables de se recharger dans un temps équivalent à celui nécessaire pour un plein d’essence ». Par ailleurs, plusieurs constructeurs de voitures et de bornes annoncent des recharges ultra-rapides de puissance comprise entre 150 et 350 kW.
La question des installations
On le voit, la course à l’autonomie va de pair avec la course à la puissance de recharge.
Ce type de solutions soulève toutefois de nombreux problèmes, en premier lieu dans le domaine de la technique. Un appel de puissance de 350 kW correspond en effet pratiquement aux besoins d’un quartier de plus d’une cinquantaine d’habitations. On imagine la difficulté de gestion d’un réseau sur lequel de tels appels de puissance apparaissent à l’improviste !
Il faut largement surdimensionner les installations de production, de protection et de distribution de l’électricité pour éviter que le réseau disjoncte et plonge dans le noir des milliers d’usagers. Face à cela, certains constructeurs, comme Renault, imaginent doter ces stations de recharge ultra-rapide de moyens de stockage d’électricité pour soulager le réseau des appels de puissance.
Mais de tels dispositifs se heurtent à la difficulté de stocker, à moyen ou long terme, de l’électricité. Une citerne d’essence peut attendre sans aucun dommage le passage hypothétique d’un usager mais ce n’est pas le cas d’une batterie qui va se décharger, vieillir même sans utilisation et nécessiter une surveillance électronique, voire même un stockage climatisé.
À cela se rajoute une contrainte d’ordre économique. Ce réseau de stations ultra-rapides doit être suffisamment utilisé pour assurer une certaine rentabilité aux investissements colossaux – une seule borne de recharge rapide peut coûter plus de 40 000 €. Plus le réseau est dense et utilisé, plus les investissements sont élevés. En petit nombre, ces stations n’assurent pas la « continuité » de service escomptée, en grand nombre, elles peuvent mettre en danger le réseau électrique.
Un équilibre doit donc être trouvé entre contraintes économiques et technologiques.
Changer nos comportements
Vouloir favoriser le déploiement des voitures électriques par la possibilité de recharge rapide aboutit donc à un risque de surdimensionnement des technologies et des investissements qui peut remettre en cause le modèle économique et le bilan environnemental de l’électromobilité.
En l’état actuel, les batteries de voitures électriques sont à même d’assurer la grande majorité des besoins de mobilité urbaine, voire péri-urbaine. Leur demander de satisfaire les besoins de mobilité sur de grandes distances est un challenge technologique et scientifique motivant, mais dont les retombées sociétales et environnementales sont incertaines.
Le problème vient de la volonté de substituer nos véhicules à essence par des véhicules électriques. Il y a un réel danger à faire croire que la voiture électrique pourra faire tout ce que la voiture à essence fait.
Focaliser sur la course à l’autonomie du véhicule électrique, c’est oublier que changer l’énergie de notre mobilité n’est pas le seul objectif de la transition énergétique en cours. L’électromobilité ne sera pas durable parce qu’électrique, mais parce que conçue pour être durable.
Déplacer une seule personne dans un véhicule de plus d’une tonne n’est pas plus « durable » que la motorisation soit à essence ou électrique. En plus d’une réduction des émissions d’un véhicule, il est primordial de réduire les masses, d’augmenter le taux de remplissage des véhicules, de diminuer le nombre de voitures en circulation, d’adopter une conduite économe, de diversifier nos moyens de transport, etc.
En clair, il faut changer nos comportements de mobilité.
Développer des alternatives
Les conclusions des récentes Assisses de la mobilité organisées fin 2017 par le ministère de la Transition écologique et solidaire vont dans ce sens. Et dans ce cadre, la synthèse de l’atelier « Réduire notre empreinte environnementale – mobilités plus propres », si elle appelle à « développer le réseau de recharge des véhicules électriques » ne pointe absolument pas un besoin impérieux d’autonomie des véhicules électriques et encore moins de stations de recharge ultra-rapide.
Les orientations proposées sont plutôt de développer les alternatives à la voiture individuelle (marche, vélo, transport en commun…).
La voiture électrique possède de nombreux atouts pour transformer notre mobilité, y compris avec le niveau actuel de performance en autonomie des batteries. Vouloir à tout prix augmenter cette autonomie risque d’être contre-productif pour une mobilité durable. N’est-ce pas le moment de méditer sur l’avertissement de Jacques dans Le Bluff technologique (1988) lorsqu’il écrivait que « le progrès technologique soulève des problèmes plus difficiles que ceux qu’il résout » ?
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Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.
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